Pour ce défi 209 chez les Croqueurs de Môts
Jeanne Fadosi nous demande de créer
un petit texte en prose incluant quelques expressions (3 ou 4)
avec le mot œil ou le mot yeux
Deux hommes, les deux très sérieusement malades,
Occupaient la même chambre d’hôpital.
Un des deux devait s’asseoir dans son lit
Pendant une heure chaque après-midi afin
D’évacuer les sécrétions de ses poumons.
Son lit était à côté de la seule fenêtre de cette chambre.
L’autre homme devait passer ses journées couché sur le dos.
Les deux hommes conversaient pendant des heures.
Ils parlaient de leurs épouses, de leur famille, de leur maison, de leur emploi,
De l’époque de leur service militaire et des endroits où ils étaient allés en vacances.
Chaque après-midi, quand l’homme du lit près de la fenêtre pouvait s’asseoir,
Il passait du temps à décrire à son compagnon de chambre
Tout ce qu’il pouvait voir dehors.
L’homme de l’autre lit commença ainsi à vivre
Dans l’attente de ces périodes d’une heure :
Son monde s’élargissait et s’égayait par toutes les activités
Et les couleurs du monde extérieur qui lui étaient racontées.
De la chambre, la vue donnait sur un parc avec un beau lac.
Les canards et les cygnes jouaient sur l’eau tandis que les enfants
Faisaient naviguer leurs bateaux miniatures.
Les jeunes amoureux marchaient bras dessus bras dessous
Parmi des fleurs de chaque couleur de l’arc-en-ciel.
De grands arbres décoraient le paysage et on pouvait apercevoir
Au loin la ville se dessiner.
Pendant que l’homme près de la fenêtre
Décrivait tout ceci avec des détails exquis,
L’homme de l’autre côté de la chambre fermait
Les yeux et imaginait la scène pittoresque.
Lors d’un bel après-midi, l’homme près de la fenêtre
Lui décrivit une parade qui passait par là.
Bien que l’autre homme n’ait pu entendre l’orchestre,
Il pouvait le voir avec les yeux de son imagination,
Tellement son compagnon le dépeignait de façon vivante
Avec des mots poétiques et au travers un descriptif précis.
Les jours et les semaines passèrent.
Un matin, à l’heure du bain, l’infirmière trouva le corps sans vie
De l’homme près de la fenêtre, mort paisiblement dans son sommeil.
Attristée, elle se fit aider par les préposés pour enlever le corps.
Dès qu’il sentit le moment approprié, l’autre homme
Demanda à l’infirmière si elle pouvait le déplacer à côté de la fenêtre.
Heureuse de lui accorder cette petite faveur,
Elle s’assura de son confort, puis le laissa seul.
Lentement, péniblement, le malade se souleva un peu,
En s’appuyant sur un coude pour jeter son premier coup d’oeil dehors.
Il aurait enfin la joie de voir par lui-même ce que son compagnon
Avait su si bien lui décrire…
Or, de l’autre coté de la petite cour intérieure,
Tout ce qu’il vit, ce fut le grand mur du bâtiment voisin !
L’homme demanda à l’infirmière pourquoi
Son compagnon de chambre décédé
Lui avait dépeint une toute autre réalité.
L’infirmière répondit que l’homme qui était pourtant aveugle
avait sûrement l’oeil américain*
*Cette expression veut dire être attentif et observateur.
Une personne qui a l’«œil américain» voit tout ce qu’il se passe autour d’elle.
« Avoir l’œil américain » fait allusion au regard qu’avaient les Indiens d’Amérique .
Ils avaient la faculté de regarder de côté en ayant l’air de regarder en face.